Dossier réalisé par Nafiou OGOUCHOLA
Le Bénin, pays dont les recettes sont essentiellement fiscales a engagé une vaste politique de promotion de son patrimoine touristique. En effet, le gouvernement entend tirer davantage profit de ce secteur qui contribuait à 2% au budget de l’Etat.
D’où l’intérêt de ce dossier, qui nous permet de faire une incursion au coeur des réformes engagées depuis 2016 dont une bonne partie est confiée à l’Agence nationale de promotion des patrimoines et de développement du tourisme (ANPT). Aussi, avons-nous fait un aperçu des projets relatifs aux grands reflets du parc de la Pendjari, véritable réserve faunique et animalière du Bénin. Toutefois, conscient de ce que l’essor du tourisme est aussi l’affaire du secteur privé, nous avons approché la responsable de l’agence ‘’Cristal Tour’’, la 4ème vice-présidente, coordonnatrice des régions de la mandature 2020-2025 de la Chambre de commerce et d’industrie du Bénin (CCIB), Christiane Tossou née Codjo, et le responsable marketing et commercial de ‘’Mamou voyages’’, Mathieu Josserand pour leur grille de lecture.
Pour finir, nous avons réalisé un entretien avec Guy Johnson, expert international en tourisme durable et digital, ancien directeur de cabinet, ancien secrétaire général de ministère, ancien conseiller technique de plusieurs ministres du Tourisme du Bénin et représentant de l’Afrique au Comité de programme de l’Organisation mondiale du tourisme de 2007 à 2015. L’occasion était pour lui de renseigner, entre autres, sur ses initiatives privées pour le développement du tourisme béninois et africain.
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SECRETS DE REUSSITE

Quelques sites touristiques du Bénin (Parc Pendjari,…
Le gouvernement du Bénin a depuis l’avènement du régime de la ‘’Rupture’’, pris d’importantes décisions pour impacter le secteur du tourisme. On peut citer le partenariat noué entre la National Geographic Society, African Parks et la Fondation Wyss. Ce partenariat qui remonte à mai 2017 pour un montant de 23 millions de dollars, soit environ 14 milliards FCFA, va permettre la conservation et la revitalisation du parc de la Pendjari.
En outre, le ministère du Tourisme, de la culture et des arts s’attelle à se doter d’un Compte satellite du tourisme (CST). La première phase du processus d’élaboration des documents de cette réforme a été restituée aux parties prenantes, au cours d’un atelier de deux jours qui s’est tenu les mercredi 20 et jeudi 21 novembre 2019 dans les locaux dudit ministère.
Ce projet découle du volet compétitivité du tourisme transfrontalier. En effet, le Bénin a initié un programme de mise à jour du système des statistiques touristiques avec comme objectif, la mise en place progressive du Compte satellite du tourisme. La première phase du processus d’élaboration des documents de cette réforme a été restituée aux parties prenantes. « Les statistiques produites aujourd’hui sur le secteur tourisme souffrent d’exhaustivité et de fiabilité. Le poids réel du tourisme dans l’économie en termes de contribution au Produit intérieur brut (PIB), à la valeur ajoutée brute et à la création d’emploi est sous-évalué », selon le ministère du Tourisme. Ce compte satellitaire permettra de recenser toutes les informations relatives aux secteurs touristique et hôtelier béninois. Ce qui permettra aux experts d’avoir à disposition des chiffres précis pour attirer les touristes. Il y a aussi dans le secteur du tourisme au Bénin, une autre décision de taille qui mérite d’être signalée. Il s’agit du choix de l’Amazone fait par l’ANPT comme identité visuelle. C’était le 29 août 2019. Le projet de la route du vodou, la création et l’installation de la galerie nationale et le projet de réhabilitation de sites touristiques
…tata somba…
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dont les musées et le village lacustre de Ganvié sont également d’une certaine importance.
Le gouvernement béninois a également marqué les esprits avec cette décision qui épargne les africains de visa pour venir au Bénin.
De nombreux atouts
Le Bénin dispose de nombreux atouts pour développer le tourisme et l’hôtellerie. Il s’agit de sa riche culture ; de ses arts ; de sa civilisation vodou ; des vestiges et de la mémoire de la traite négrière à Ouidah. Il y a également les palais royaux d’Abomey et leurs sites archéologiques célèbres ; le plus grand parc animalier d’Afrique de l’ouest, avec sa faune variée, sa flore et ses paysages uniques (Pendjari- Parc Régional W). Il y a enfin la plus grande cité lacustre d’Afrique (Ganvié) sans oublier les cités balnéaires et lagunaires…
Une vaste politique de valorisation des sites touristiques est en cours. Du parc de la Pendjari à la route du vodou en passant par les musées et autres édifices royaux, des investissements colossaux sont consacrés. Objectif de tous ces efforts, conserver les richesses culturelles et les valoriser pleinement.
Fort de ces potentialités, des travaux sont en cours de réalisation. Il s’agit de la route des pêches qui se poursuit sans oublier la restauration des sites et de la cité lacustre de Ganvié.
La Banque mondiale par rapport au secteur du tourisme note des avancées selon l’un de ses rapports. De l’expertise de l’institution de Bretton Woods, on retient que les infrastructures de base existent. Cependant, on observe des dysfonctionnements en termes de réglementation, de ressources et d’institutions qui entravent la macroéconomie.
Ce rapport précise néanmoins que le tourisme contribue pour 2 à 3,9% du Produit intérieur
SECRETS DE REUSSITE

…chutes de la Sota,…

…et cité lacustre de Ganvié )
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brut (PIB) du Bénin, plus que certains pays à revenu intermédiaire. « Le tourisme, à travers sa triple dimension (tourisme d’affaires, tourisme de congrès et tourisme d’agrément) représente la deuxième source d’entrée de devises après le coton. Il constitue une source potentielle importante d’accélération de la croissance économique avec des effets d’entrainement sur les pôles BTP, agroalimentaire et artisanat », a conclu l’institution de Bretton Woods.
En effet, avec tous les efforts consentis par le gouvernement du Bénin, on sent une grande inspiration à la rwandaise dans le secteur du tourisme. Sans euphémisme, le Bénin de Patrice Talon va à l’école de Paul Kagamé du Rwanda. Désormais au Bénin en matière de tourisme, il s’agit de s’appuyer sur un cadre règlementaire relooké avec en prime des réformes importantes. Ensuite, on répertorie des potentialités qui existent, investir de manière rationnelle puis en faire une destination attrayante et une source de revenus. Mais qui dit tourisme dit infrastructures. Quelle est la situation du Bénin par rapport à ce secteur ?
Des hôtels… comme des points d’appui
L’Etat central a mis un point d’honneur à promouvoir des résidences dignes du nom pour accueillir les touristes au Bénin. A cet effet, plusieurs hôtels de standing international sont sortis de terre dans la capitale économique, Cotonou. On les retrouve dans les encablures de l’aéroport de Cotonou et dans le centre-ville. Et plusieurs autres sont en construction. Objectif, renforcer la capacité hôtelière du pays, véritable levier de développement du tourisme.
Selon les données recueillies à la direction du Tourisme et de l’hôtellerie, le Bénin comptait en 2010, 580 établissements hôteliers, pour une capacité de

Porte de non retour à Ouidah

Forêt sacrée de Kpassè-Ouida
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près de 7.362 chambres et 14.704 lits, avec une forte concentration dans le sud du pays.
Toutefois, il convient de s’interroger sur le respect des normes en vigueur au plan international. En effet, plusieurs observateurs avertis des secteurs touristique et hôtelier se demandent si les plans de restauration et de construction des édifices touristiques et hôteliers sont adaptés aux normes internationales. Mais les autorités béninoises rassurent.
Avalanche de taxes
Les résultats des réformes entreprises par le gouvernement du Bénin pour promouvoir le tourisme et l’hôtellerie ne sont pas encore assez visibles. Même si des complexes hôteliers sont devenus une réalité depuis quelques années, il n’en demeure pas moins évident que certaines dispositions ont eu pour effet contraire de mettre du plomb dans l’aile des promoteurs et usagers des infrastructures hôtelières.
En effet, dans la loi de finances gestion 2019, il a été institué des taxes supplémentaires sur le séjour des usagers des hôtels et auberges. De 500 F CFA à 2500 F CFA, ces frais sont ajoutés au coût normal de prestations hôtelières, pesant davantage sur les touristes. Pis, de nouvelles taxes ont été instituées depuis quelques années aux différents points d’entrée du Bénin notamment à l’aéroport Cardinal Bernadin Gantin de Cadjèhoun.
En rajoutant aux charges financières des touristes, le gouvernement n’est-il pas vite allé en besogne? Peut-on vouloir une chose et son contraire ? n
TOURISME
SECRETS DE REUSSITE

Façade du Palais royal d’Abomey

Façade d’un atelier de teintures historiques à Abomey
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l Christiane Tossou parle de la professionnalisation du secteur touristique
Le secteur hôtelier est en pleine mutation au Bénin. A travers les réponses apportées à quelques questions, la responsable de l’agence ‘’Cristal tour’’, la 4ème vice-présidente, coordonnatrice des régions de la mandature 2020-2025 de la Chambre de commerce et d’industrie du Bénin (CCIB), Christiane Tossou née Codjo, nous situe.
Les Décideurs : Quelles sont les réformes opérées dans les secteurs du tourisme et de l’hôtellerie ces dernières années ?
Christiane Tossou : Les réformes sont en cours. Presque tous les textes qui régissent le tourisme au Bénin sont en cours de relecture. Ceci en vue de la professionnalisation du secteur pour l’épanouissement autant des acteurs que des touristes et usagers des structures hôtelières. Je puis citer essentiellement la réforme du système de délivrance des licences d’exploitation, les réformes des formations et des curricula et l’institution de la taxe de séjour par abrogation de la taxe sur les nuitées.
Quels sont les avantages de ces réformes ?

Christiane Tossou née Codjo
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Nous pouvons citer, la dématérialisation de tout le processus ; la rapidité dans le processus de délivrance des licences et la suppression des tracasseries administratives. Aussi, peut-on mettre en exergue la normalisation des services ; le classement conséquent des hôtels et l’obtention d’une cartographie des hôtels adaptés à la demande des services touristiques.
Quelles sont les difficultés qu’ont eues les acteurs de l’industrie touristique béninoise à se conformer à ces réformes ?
Pour le moment, les acteurs, par le biais des associations professionnelles travaillent à mettre en place avec le gouvernement, une passerelle pour bénéficier des financements et formations nécessaires pour rendre compétitives leurs structures dans la sous-région. Mais concrètement, les résultats seront analysés à la mise en oeuvre desdites réformes et là seulement, nous pourrons nous prononcer.
Quels sont les accompagnements importants dont vous bénéficiez de la part du gouvernement ?
Dans nos échanges avec le gouvernement, à terme, des mesures incitatives seront accordées aux entreprises en vue de leur développement et de leur professionnalisation. n
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Maquette de la route des pêches au Bénin
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l 600 milliards FCFA à l’ANPT pour rendre une ‘’fiction’’ réelle
Le gouvernement de la République du Bénin a, par décret n° 2016-442 du 27 juillet 2016, acté la création de l’ANPT en définissant ses statuts. Placée sous la tutelle de la présidence de la République, sa gestion a été confiée à un homme de lettres doublé de la casquette de dirigeant d’établissements culturels, José Pliya.
L’Agence nationale de promotion des patrimoines et de développement du tourisme est dotée d’un budget de 600 milliards FCFA sur cinq ans. Mû par l’ambition de faire du tourisme, un levier de développement, le chef d’Etat
béninois, Patrice Talon, a révélé la responsabilité qui est sienne au directeur général de cette agence, José Pliya. C’était en ces termes : « … au Bénin, le tourisme est une fiction qu’il faut

José Pliya, le patron de l’Agence nationale de promotion des patrimoines et de développement du tourisme (ANPT)
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rendre réelle ». Et il n’en faudra pas plus pour que celui-ci décortique ce message : « C’est-à-dire que vous pouvez avoir le plus beau potentiel, si vous ne le mettez pas en ‘’histoire’’, ce que les américains appellent le ‘’story telling’’, ça ne marche pas », a expliqué José Pliya.
L’histoire et la culture sont à vendre
Le point focal du tourisme béninois reste l’histoire et la culture, selon le directeur général de l’ANPT. De ses explications, il ressort que grâce aux rois d’Abomey, l’histoire du Bénin est structurée de deux façons. D’une part, le commerce de l’esclavage sur trois siècles et, d’autre part, la religion endogène, le vodou.
Or, tout en regorgeant de cultures extraordinaires, ce secteur souffre d’une image négative qui s’est encore amplifiée quand le vodou s’est exporté en Haïti. Là-bas, il a été caricaturé par le cinéma hollywoodien. « C’est en cela qu’il est question d’identité, c’est l’image qu’on renvoie », a martelé José Pliya.
100.000 emplois à créer en 10 ans
Le gouvernement du Bénin compte exploiter la transversalité du secteur touristique pour créer 100.000 emplois en 10 ans. Ceci en réussissant un pari ambitieux. « Attirer un million de visiteurs d’ici 2021 », a confié le DG de l’ANPT.
Une cible diversifiée, le tourisme intra-africain promu
Le géant voisin du Bénin, la République fédérale du Nigéria avec ses 200 millions d’habitants est dans le viseur de l’ANPT. Pour ce faire, le Bénin a décidé de promouvoir le tourisme sud-sud. « Notre premier segment, c’est un tourisme intra-africain», a renseigné José Pliya. Ainsi, la première étape de cette ‘‘chasse’’ aux touristes nigérians est déjà en oeuvre selon le directeur général de l’ANPT qui a confié que la classe moyenne du plus grand pays de l’Afrique de l’ouest « est déjà notre cible première ».
Ensuite, les expatriés qui sont au Togo, au Burkina Faso, et qui, dès les grandes vacances, peuvent vouloir venir au Bénin, sont ciblés. De même, les africains en général sont attendus. Cette volonté a abouti à la politique de zéro visa pour les africains.
Aussi, une ligne directe depuis le Rwanda est-elle en cours de création afin d’attirer les touristes des Etats de l’Afrique de l’est à savoir : Kenya, Tanzanie, Afrique du Sud, Botswana.
Enfin, l’ANPT a travaillé à l’augmentation des touristes afro-descendants d’Haïti, des États-Unis, du Canada, des Antilles et aussi les asiatiques car 3,5 % des touristes viennent de Chine. n
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l ‘’Mamou voyages’’, pour la promotion du tourisme domestique

Mariam Djaouga, promotrice de ‘‘Mamou voyages’’
La volonté affichée par le gouvernement du Bénin de développer le tourisme est soutenue par les acteurs du secteur. Parmi les initiatives à succès du secteur privé, celles de l’agence ‘’Mamou voyages’’ apportent un plus à la promotion du patrimoine touristique du Bénin.
L a promotion du tourisme au Bénin figure au programme de ‘’Mamou voyages’’ depuis 2014. Comme l’explique le responsable marketing et commercial de cette société, Mathieu Josserand, le tourisme peut gagner à ce que les citoyens béninois connaissent mieux leur pays. «Nous avions fait le constat que non seulement peu de citoyens béninois avaient une bonne connaissance du Bénin mais aussi qu’ils étaient très peu à en connaître les richesses culturelles », a-t-il confié.
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Pour pallier ce vide, ‘’Mamou voyages’’ a initié plusieurs programmes. Tout d’abord, le projet ‘’Je connais le Bénin’’. « C’est un circuit total de huit jours dont quatre dans le sud et quatre dans le Nord avec la possibilité de choisir seulement le circuit du nord ou du sud pour quatre jours », a expliqué Mathieu Josserand.
Ensuite, des ‘’Journées découvertes’’ sont organisées pour permettre aux travailleurs béninois de visiter des sites touristiques sur l’ensemble du territoire national mais avec des programmations variées et spécifiques. Ceci s’apparente aux colonies de vacances qui sont organisées lors des périodes de repos des écoliers, élèves et étudiants, pendant lesquelles, les participants vont à la découverte des richesses culturelles du Bénin.
Enfin, l’agence ‘’Mamou voyages’’ a un programme pour les fêtes culturelles au Bénin. De la fête du Vodou à la Gaani en passant par les fêtes rituelles des nombreuses ethnies du Bénin, les touristes béninois bénéficient d’une organisation parfaite qui leur permet d’assister aux manifestations dans les meilleures conditions de confort et de sécurité. n
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Démonstation de la cavalerie lors de la fête de la Gaani
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Une famille de léopards dans le parc de la Pendjari
DANS LA GALERIE DES CHIFFRES
l Le tourisme contribue pour 2 à 3,9% du Produit intérieur brut (PIB) du Bénin selon un rapport de la Banque mondiale.
l « Entre 60 et 70 % des touristes qui viennent au Bénin sont des touristes d’affaires. Environ 200.000 touristes viennent au Bénin chaque année. Entre 25.000 et 30.000 touristes visitent Ouidah chaque année », selon Guy Johnson, ancien directeur de cabinet du ministère du Tourisme.
l 3,5 % des touristes viennent de la Chine.
l Le Bénin comptait en 2010, 580 établissements hôteliers, pour une capacité de près de 7.362 chambres et 14.704 lits, avec une forte concentration dans le sud du pays. La mise en place progressive du Compte satellite du tourisme (CST) depuis novembre 2019 permettra de faire une estimation plus fiable.
l Dans la loi de finances gestion 2019, il a été institué des taxes supplémentaires sur le séjour des usagers des hôtels et auberges. Elles peuvent varier entre 500 FCFA et 2500 FCFA selon le standing de l’établissement.
l 600 milliards FCFA sur cinq ans pour que l’ANPT développe le tourisme au Bénin. «On souhaite attirer un million de visiteurs d’ici 2021 », selon José Pliya, le patron de l’ANPT.
l Le gouvernement du Bénin compte exploiter la transversalité du secteur touristique pour créer 100.000 emplois en 10 ans.
l Augmentation des recettes du tourisme de vision & chasse de 55.799.000 FCFA en 2017 à 244.118.500 FCFA en 2019 au parc de la Pendjari.
l Création de 190 emplois permanents et 812 emplois occasionnels au parc de la Pendjari.
l 474 Km de pistes aménagées au parc de la Pendjari.
l Travaux de création en cours d’un nouveau camp de safari semi-mobile
l Travaux, en cours, d’un nouveau camp de guides privés African Parks.
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l Guy Johnson évoque les atouts du tourisme au Béninois
Le secteur du tourisme constitue une manne capable d’entrevoir d’horizons économiques importants aussi bien pour l’Afrique que pour le Bénin. Pour ce sujet spécifique, une expertise pointue, celle d’un homme qui a fait toute sa carrière dans le secteur. Il s’agit de Guy Johnson, expert international en tourisme durable et digital, ancien directeur de cabinet, ancien secrétaire général du ministère, ancien conseiller technique de plusieurs ministres du Tourisme du Bénin et représentant de l’Afrique au comité de programme de l’Organisation mondiale du tourisme de 2007 à 2015. Guy Johnson est également expert de la conférence des Nations-unies pour le commerce et le développement. Il y pilote un programme de tourisme électronique qu’il a conçu. Lisez ses explications.
Les Décideurs : Le Bénin est-il attractif pour les touristes ? Peut-on connaitre l’effectif des touristes qui foulent le sol béninois chaque année ?
Guy Johnson : Dans notre pays, chaque année, les touristes qui viennent et repartent tournent autour de 200.000. Avouons qu’on n’a pas toujours très bien collecté et traité les données. Mais quand on n’a pas de statistiques sérieuses, on ne peut planifier quelque chose de manière sérieuse.
Quelles sont les provenances des touristes qui viennent au Bénin ?
Les touristes qui viennent au Bénin sont en majorité des touristes d’affaires. Le

Guy Apan Johnson, expert international en tourisme
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volume est entre 60 et 70 %. Certaines statistiques vont même jusqu’à 80 %. C’est ceux qui viennent chercher des opportunités d’affaires simplement. Mais voilà que notre économie n’est pas très performante. C’est donc pour cela que le volume n’est pas très important. En général, les touristes sont des voisins qui viennent du Nigéria, de la Côte d’Ivoire et du Cameroun, etc.
Maintenant, il y a aussi le tourisme d’agrément. Ce dernier concerne la France. Ce pays vient en tête du fait de nos relations historiques et du fait que nos compatriotes sont nombreux-la-bas, eux qui reviennent au pays pour des raisons familiales, etc.
Au Bénin, quelles sont les destinations les plus visitées par les touristes ?
On peut dire que ce sont celles que le gouvernement est en train d’essayer de réhabiliter. Donc Ouidah déjà. Mais ce n’est pas tellement important. Vous avez à peu près entre 25.000 et 30.000 personnes qui vont à Ouidah par an, selon les statistiques. L’île de Gorée au Sénégal qui est moins pourvue que Ouidah est plus visitée. Il y a sept bateaux de 350 personnes qui y vont par jour dans la bonne saison. Donc en deux semaines, l’île de Gorée peut enregistrer des statistiques autour du millier dans la bonne saison. Parce que les Sénégalais travaillent sérieusement pour faire le marketing de leur destination. Mais au-delà, les atouts du tourisme au Bénin sont nombreux.
Les spécialistes du tourisme n’arrivent pas à s’accorder sur l’impact économique du tourisme intérieur souvent sous-évalué. Quelle est votre lecture?
Quand nous considérons dans la définition classique et mondiale du tourisme, celui dit intérieur, est limité. Parce que très souvent, même au niveau de l’Organisation mondiale du tourisme, on n’a pas les statistiques sur le tourisme intérieur, c’est-à-dire le tourisme national, celui que l’on fait à l’intérieur des pays. On ne mesure que le tourisme international, c’est-à-dire les gens qui bougent d’un pays à l’autre. Et les statistiques de l’Organisation mondiale du tourisme vous disent que les flux touristiques nationaux sont dix fois plus importants. Cela veut dire que l’impact économique du tourisme est sous-évalué faute d’outils statistiques de mesure. Dès lors, faute d’une évolution approfondie dans la recherche, on ne peut donc cerner tous ses contours et ses effets socioéconomiques.
Quelles solutions proposez-vous pour développer le tourisme ?
Nous avons deux solutions. Il y a une
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En général, les touristes sont des voisins qui viennent du Nigéria, de la Côte d’Ivoire et du Cameroun, etc.
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que j’ai appelée ‘’Initiative de partenariat public-privé’’. Ceci pour atteindre les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD). C’était en 2008 que nous avons sorti cette proposition. Nous étions dans le cycle des OMD puisque l’échéance était 2015. Donc sept ans d’anticipation pour que par le tourisme, on atteigne les OMD. Depuis que les OMD sont devenus une réalité en 2000, pourquoi pendant 15 ans on n’a pas eu des stratégies de l’environnement, de l’agriculture, de l’industrie, du tourisme, etc, pour atteindre les OMD ? Si on veut être systématique et faire du travail approfondi, c’est des choses comme ça qu’on doit faire.
Nous avons sorti ce programme en 2008, validé par les ministres africains du Tourisme, la même année ; par les ministres du Tourisme du monde en 2009 ; signé par le Pnud en 2010 ; adopté par le conseil des ministres du Bénin en 2009. Mais on est allé jusqu’à l’échéance de 2015 sans rien faire de ce projet. Quatre agences des Nations-unies étaient d’accord. Les Japonais sont dans un mécanisme financier qu’on appelle le ‘’Ticad’’ (Tokyo international conference for Africa development). Ils avaient 15.000 milliards FCFA pour financer ce programme. Ils ont dit qu’ils sont intéressés par notre solution que j’ai chiffrée à 10.000 milliards FCFA. A raison de 500 milliards par pays pour 20 pays. J’ai eu l’occasion de présenter ce programme aux Japonais lors d’une réunion organisée par la Banque mondiale, le Pnud et l’Organisation mondiale du tourisme. C’était en Ouganda. Les Japonais étaient tout de suite intéressés et ils ont saisi l’Organisation mondiale du tourisme qui m’a saisi. Deux, trois mois après, les Japonais nous ont invités pour venir consolider le dossier. C’était à Arusha en Tanzanie. Mais pour voyager, le Bénin était incapable de nous décaisser deux millions FCFA pour aller défendre les 10.000 milliards FCFA.
En substance, ce projet était basé sur le tourisme et le numérique. Il suffit de mettre 20 ordinateurs par arrondissement puis tout est joué. Nous, nous avons la solution technologique pour connecter 10.000 autres ordinateurs à ces 20. Maintenant dans cette salle où on met 20 ordinateurs, j’ai le programme à faire appliquer aux jeunes. Quand nous avons dit la solution sur les plateaux et dans certains milieux, tout de suite un ministre a dit à un réseau GSM de venir m’écouter. Quand les responsables de ce dernier sont venus, ils ont proposé de donner 15 ordinateurs pour cela. Maintenant ils sont allés prendre les ordinateurs mais ils n’ont pas le programme. J’ai 32 projets pour changer la
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Parce que très souvent, même au niveau de l’Organisation mondiale du tourisme, on n’a pas les statistiques sur le tourisme intérieur, c’est-à-dire le tourisme national, celui que l’on fait à l’intérieur des pays.
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donne touristique du continent. Et ces projets peuvent devenir mille, un million, un milliard de projets instantanément, en fonction de la volonté et de l’engagement dans mon projet.
De quoi avez-vous besoin pour mettre en oeuvre ce programme ?
Nous avons besoin de trois choses. D’abord, on a besoin de la volonté des acteurs, parce que, cela fait 12 ans que ce programme existe et partout dans le monde entier, le programme passe. C’est plutôt ici qu’on se pose encore des questions là-dessus. Pour cela, nous avons besoin de la volonté des gens. Nous avons également besoin de la mentalité des gens pour qu’ils aient la mentalité de la gouvernance, parce qu’on ne peut rien faire dans le désordre caractérisé. Mais la mentalité doit être en faveur du développement, c’est-à-dire la mentalité qui facilite les choses, qui accompagne et qui assiste les choses, qui fait la sécurité technique des choses, c’est-à-dire les critères de doing business favorables à l’initiative et aux opportunités. On perd trop d’opportunités, on ne fait que cela d’ailleurs.
Quel est votre budget et comment pensez-vous mobiliser les fonds ?
Ce programme a un volet public et un volet privé. Sur le volet public, j’avais travaillé depuis 12 ans et j’ai eu tout le succès en moins de deux ans, pour apporter deux choses à l’Afrique. La première chose est l’expertise. Les africains vont mettre l’argent, sinon c’est l’unique chose qu’il faut. Quand nous avons initié ce programme en 2008, en 2009 déjà, il est validé par tous les ministres du monde. En 2009, les Japonais cherchaient le programme qu’on chiffrait pour 20 pays à 10 000 milliards FCFA. Donc en fait, c’est la chose principale, mais si ceux qui doivent porter le projet ne le comprennent pas ou bien ne veulent pas l’accompagner, le résultat est là. On est resté là à tourner en rond pendant 10, 12 ans.
Donc les fonds, ce n’est pas ce qui manque pour un bon projet. Tant que le projet est bon, vous trouverez toujours l’argent.
La volonté politique constitue-t-elle le seul blocage à vos solutions ?
Je ne parle même plus de la volonté politique, parce qu’on en a trop parlé. On parle de la volonté de tous les acteurs. Parce qu’au niveau de mon projet, si vous parlez du côté public, c’est la volonté politique, mais j’ai déjà quitté ce niveau, puisqu’on ne peut pas parler de la même chose durant 10, 20 ans. Donc j’en suis maintenant au volet privé. Ce volet implique la volonté des acteurs, puisque pour réussir aujourd’hui les acteurs ont besoin d’une seule chose qui est d’être des professionnels.
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